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« Si une coalition contre l’EI devait rassembler ceux qu’il a ciblés, elle réunirait l’Iran, l’Afghanistan, la Russie et les Etats-Unis, soit des régimes que tout oppose »

Dans le discours prononcé le 29 février devant l’Assemblée fédérale de Russie, avant sa reconduction pour un cinquième mandat présidentiel lors d’une parodie d’élection, Vladimir Poutine s’en était pris une nouvelle fois au « soi-disant Occident » et aux Occidentaux. « Ils veulent reproduire en Russie ce qu’ils ont fait dans de nombreux autres pays, dont l’Ukraine », avait-il assuré : « Semer la discorde chez nous et nous affaiblir de l’intérieur. » Le terrorisme international n’avait été évoqué qu’une seule fois – et encore, au passé.
Moins d’un mois plus tard, le maître du Kremlin peut compter sur des médias aux ordres pour tenter de faire entrer l’attentat dévastateur perpétré le 22 mars dans une salle de concert de la banlieue de Moscou par l’organisation Etat islamique au Khorassan (EI-K) dans la seule case prévue pour les menaces : celle qui induit nécessairement une implication de l’Ukraine.
Ce bain de sang constitue pourtant un rappel dramatique de la résilience d’une idéologie qui a survécu à la destruction du « califat » installé au Moyen-Orient dans les espaces en déshérence d’Etats affaiblis par des guerres civiles nées de leur barbarie, en Syrie, ou des conséquences d’une invasion étrangère, en Irak. Le djihadisme est totalement indifférent au nouveau cours de l’histoire ouvert le 24 février 2022 avec l’invasion de l’Ukraine décidée par Vladimir Poutine.
Le retour de la guerre conventionnelle entre Etats sur le sol européen a remis en branle de lourds mécanismes d’alliances stratégiques et de remobilisation d’une industrie de la défense européenne atrophiée par plus de trois décennies d’illusion de paix perpétuelle et de doux commerce, pendant lesquelles les conflits armés se limitaient souvent à l’envoi de forces spéciales contre de lointaines milices. L’invasion de l’Ukraine, comme ultérieurement la guerre à Gaza, a aussi mis en évidence l’isolement d’un camp occidental face à un ensemble de pays résumé imparfaitement par l’expression « Sud global », convaincu que les principes du premier sont à géométrie variable.
L’attentat du 22 mars superpose à ces lignes de fracture une grille d’analyse qui n’en a que faire. Une publication de l’organisation Etat islamique (EI), Al-Naba, avait résumé en 2022 l’agression russe à une « guerre entre croisés » pendant qu’une autre de la franchise qui a revendiqué l’attaque terroriste de Moscou, Voice of Khurasan, renvoyait dos à dos « l’Amérique (…), un ennemi furieux de l’islam au siècle dernier », et « la Russie », qui « n’a pas montré qu’elle était différente ».
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